Coureur du froid

Il court. Sans eau, sans téléphone, sans crampons. La neige est fraîche et la température stable à -6°C. Son premier marathon est encore loin, mais l’hiver n’est pas une excuse pour aller s’enfermer en salle. Romain, athlète idéal ou masochiste flamboyant ?

Comment ton corps s’acclimate-t-il au froid de l’hiver ?

Courir l’hiver, ça vient progressivement. On court l’été, l’automne s’en vient, tout va bien. Puis il neige 2cm et on y va encore. Et ainsi de suite. C’est graduel et donc je m’acclimate assez bien. La différence, on s’en aperçoit moins, de cette manière.

C’est sûr, c’est plus de préparation qu’en été. J’ai appris en courant, en y allant. Au début, j’ai commencé à faire des petites sorties, voir comment mon corps réagissait. En fonction de ça, j’ai allongé les distances. Là, je peux faire 10-15 km à une température de -15°c sans trop de problèmes.

Quand on commence à courir l’hiver, il faut idéalement qu’on ait un peu froid, le temps que nos muscles se réchauffent. Le corps finit par s’y faire. Ça me demande plus d’énergie qu’en été. Pour autant, je ne vais pas modifier mon alimentation en hiver, parce que je fais ça en amateur. Je ne fais pas de compétition en hiver, donc mon entraînement est beaucoup plus relax.

Pourquoi courir dehors quand tu pourrais aller en salle ?

Je me sens plus libre. Je fais ça parce que j’aime ça, la nature, le plein air. Pour moi, c’est hors de question de courir en salle. J’ai essayé, à une époque. Cette sensation de faire du sur-place, de se couper du plaisir de profiter d’une belle matinée… Très peu pour moi.

Quels dangers dois-tu anticiper lorsque tu cours en hiver ?

Je préfère courir dans les parcs, mais quand je commence le parcours depuis chez-moi, je dois faire les premiers kilomètres dans la rue. Là, en fonction des conditions, je prends plus de précautions aux arrêts et aux lumières. En été, je pars du principe que les voitures vont pouvoir s’arrêter.

En hiver, c’est l’inverse. Au minimum, je ralentis fortement aux intersections pour éviter de glisser. Quand on court sur le plat, en ligne droite, que ce soit glacé ou pas ne change rien : les appuis sont droits. C’est quand on veut freiner, accélérer et surtout changer de direction que l’on peut facilement partir. Je fais très attention sur les changements de direction.

Ma façon de courir va changer un peu, je vais essayer d’abaisser mon centre de gravité, détendre mes bras pour être plus stable.

Le plus gros danger, bien sûr, c’est de tomber. Ça m’est déjà arrivé. C’était la nuit, j’étais parti courir et je n’ai pas vu une plaque de glace. Je me suis étalé, ma tête a frappé. Ça a cogné un peu, mais à part ça, je dirais qu’il y a pas trop de problèmes.

Si on fait attention, c’est très sécuritaire. Certains coureurs utilisent des crampons. Pas moi. Je cours avec les mêmes chaussures qu’en été. J’aime bien la sensation que j’ai avec mes chaussures habituelles.

Au minimum, quand tu pars courir, tu prends avec toi…

Le plus important, c’est la façon de s’habiller. En fonction de la température et du trajet que je vais faire. Je n’ai rien de très isolant, c’est plus une superposition de couches. Dessus, coupe-vent et en dessous de la laine qui en général va bien évacuer la transpiration.

Ce qui est important, quand il fait froid, c’est de ne pas s’arrêter. Je vais tout le temps avoir un peu d’argent et ma carte de transport au cas où je doive rentrer plus rapidement que prévu. Si tu es à 10km de chez toi et que tu as transpiré, tu es content de pouvoir rentrer en transports en commun. Je cours sans téléphone ni musique.

Niveau respiration, je suis assez sensible de la gorge. Quand il fait -5°c et moins, je vais me protéger en mettant un cache-cou sur ma bouche, parfois 2 épaisseurs pour que l’air que j’inhale ait été réchauffé par ma respiration.

Courir dans le froid et la neige : plaisir ou défi ?

Le plus difficile, je trouve, c’est d’y aller. Se forcer à sortir quand il fait -10/-15, surtout s’il fait nuit. Et l’hiver, à partir de 16h30, la nuit est tombée. Le plus dur par rapport à l’été, c’est vraiment de sortir. Après, une fois qu’on est dehors, physiquement c’est sûrement un peu plus difficile que l’été, mais ça ne me dérange pas, au contraire, j’aime ça.

Quand je m’entraîne, je me contente de courir. Je ne fais pas d’autres exercices connexes, musculaires, etc. Je ne cherche pas une performance exceptionnelle au marathon. Je le fais avant tout pour le défi personnel et bien sûr pour le plaisir.

Autant hiver que l’été, j’aime courir seul, dans ma bulle. Ça me permet d’aller à mon rythme.

Ton objectif de courir le prochain marathon de Montréal

fait-il de toi le masochiste idéal ?

Je cours régulièrement depuis 15 ans, plus récemment que je m’intéresse à la compétition, pour le plaisir. J’ai commencé à m’entraîner plus sérieusement depuis l’été dernier pour me préparer à mon premier marathon à Montréal. L’entraînement ne s’arrête pas avec la neige.

Je ne me suis pas mis à courir l’hiver spécialement en vue du marathon. Depuis que je cours, je cours autant en été qu’en hiver.

J’assume que je vais aller courir chaque semaine. En général, c’est le samedi matin mon moment de prédilection. Comme on est assez loin de l’été, au niveau du marathon, ça ne me dérange pas trop de sauter une semaine. Si on était à l’été, c’est sûr que je ne pourrais pas me le permettre.

Cela dit, le froid et la neige, ça fait partie des conditions.

Après, je ne me fixe pas d’objectifs genre première semaine de janvier 12km, semaine suivante 13km… Je me réserve ça pour le mois de mai-juin. Là, je ferai 2 sorties minimum par semaine, 3 peut-être. Et au mois d’août au moins une grosse sortie de 30km chaque semaine, en vue du marathon. L’hiver, c’est principalement pour me maintenir en forme et pour le plaisir.

À quel moment te dis-tu « pas aujourd’hui » ?

Ce qui peut m’empêcher de sortir, je dirais c’est un bon froid. À partir de -20, c’est très probable que je n’aille pas courir, surtout s’il y a un petit vent avec ressenti -25. S’il y a eu une tempête de neige la veille et que les trottoirs ne sont pas déneigés, pareil. Et s’il y a eu une tempête de verglas, une pluie verglaçante. Là, je fais sauter l’entraînement.

Au final, l’exercice de Romain est réussi et son entraînement a tenu toutes ses promesses. Ce genre de sorties hivernales dans la neige et le froid donneront-elles à Romain un avantage sur ses concurrents, à l’édition 2017 du marathon de Montréal ? L’avenir le dira. En attendant les longues sorties hebdomadaires qu’il planifie déjà pour l’été, Romain sait qu’il ressortira la semaine prochaine. Pour la forme, pour le plaisir.