Dans les poubelles, on retrouve Jean-Michel et son colocataire Colin
à l’arrière d’un magasin biologique et naturel.
Que font-ils ? Leur épicerie. Là, dehors. À -15°C.
On leur a demandé si c’était possible de cuisiner un repas
avec de la nourriture trouvée dans les poubelles.
Jean-Michel, végane, vient de trouver 150$ de viande. Quelqu’un est preneur ?
Les deux colocataires n’ont pas fait d’épicerie depuis des années.
Jean-Michel travaille dans une librairie. Colin est étudiant.
Ils se nourrissent exclusivement de leurs trouvailles dans les poubelles.
« On n’associe plus de valeur financière à la bouffe », explique Jean-Michel.
À peine 5 minutes se sont écoulées
et ils ont déjà ramassé une belle quantité de nourriture.
Que des produits biologiques. Vous imaginez combien ils ont économisé ?
Et voilà. Un lunch pour demain.
Après 5 ans de dumpster diving, les deux garçons
ne s’étonnent plus devant la quantité de gaspillage.
« Au bout d’un moment, on arrête de se demander
pourquoi c’est dans les poubelles !
T’ouvres un sac, tu trouves de l’huile, des pâtes.
T’es content, mais t’es malheureux. Ça n’a aucun sens.
Ici à Montréal, y’a plein de gens qui ont faim », raconte Colin.
Jean-Michel et son coloc, à la recherche du souper.
Au bout d’une demi-heure, les cartons de provision sont bien remplis.
« Je me retrouve avec plus de nourriture
que quand j’allais faire mon épicerie », dit Jean-Michel.
Sandwichs, céleris, tomates, betteraves, oignons, aubergines, zucchinis, fromage suisse, beurre de cacahuète… Ça commence à ressembler à un souper !
Au même moment, un employé du magasin
sort un sac de poubelle et salue les déchétariens.
« On est en bons termes avec les gens de l’épicerie.
Ils savent pourquoi on est là,
ils savent qu’on va laisser les lieux propres.
Des fois, ils sont surpris qu’on fasse du dumpster,
mais nous on est surpris qu’ils soient surpris,
parce qu’ils le savent que ce qu’ils jettent c’est du beau stock. »
Colin n’en est pas à sa première poubelle.
Vous vous demandez si on ne retrouve
que des aliments dans les ordures ? Eh bien non.
« Tout ce qu’il y a sur les rayons d’un magasin
se retrouve dans les poubelles !
C’est pas à cause de la nature de l’objet,
périssable ou non, c’est à cause de la nature
de la société qui traite les objets d’une certaine manière.
Une boîte de conserve cabossée n’est plus vendable.
C’est troublant un tel gaspillage.» s’indigne Colin.
Ça y est, l’épicerie est terminée, et même pas besoin de passer à la caisse !
Des poubelles aux fourneaux
On retrouve Jean-Michel et Colin à leur appartement.
On est accueillies par leur colocataire, Maude.
Les gars s’activent dans la cuisine.
Une odeur d’oignons caramélisés ouvre l’appétit.
Jean-Michel et ses colocs prennent le temps
de préparer les aliments et de cuisiner ensemble.
« Faire du dumpster diving, ça nous nourrit pis ça nous libère du temps.
Parce qu’on n’a pas besoin de travailler pour payer notre épicerie. »
De la pâte à modeler ? Non, des boules d’énergie à la pêche, avoine, beurre de cacahuète et noix de coco. Miam.
Le fait de ne pas payer pour se nourrir
soulage le budget des colocataires :
« On a plus le même rapport à la bouffe.
Parce qu’on paye pas et qu’on trouve beaucoup de nourriture,
on a davantage le goût de partager. On peut organiser des brunchs,
en offrir au voisinage ou encore aux frigos communautaires. »
Fouiller dans les poubelles : par choix ou par nécessité ?
« Ça arrive des fois des petits préjugés où tu as l’impression
que les gens auraient envie de me dire “trouve-toi une job”,
mais j’en ai déjà une. C’est pas pour ça que je fais ça !
On est dans une situation où on le fait par choix, on est privilégiés. »
…
Des poubelles à l’assiette
À table !
Au menu ce soir : spaghetti de zucchinis,
écrasé de haricots blancs aux oignons caramélisés,
nappé de lait de coco à la tomate.
Mission accomplie pour Jean-Michel et ses colocs.
Un souper de plus sauvé des poubelles.
Transformer des déchets en un repas complet fait partie de leur quotidien.
Avant de partir, on leur a demandé s’ils comptaient un jour s’arrêter.
« Notre but c’est de disparaître en tant que pratiquant de dumpster diving.
Pas parce que les épiceries auront mis des cadenas sur les poubelles,
mais parce qu’il y aura pu de gaspillage. »
Jus de céleris, betteraves et poires. Santé !