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Le soleil est couché depuis déjà deux heures, la ruelle est sombre et vacante. En s’avançant on y découvre souvent des conteneurs remplis de nourriture encore fraîche : légumes, yogourt, pain, de quoi concocter un petit festin et faire la joie des déchétariens.
Les déchétariens, qui sont-ils ? Ce sont ces gens qui ont décidé de lutter contre le gaspillage alimentaire à leur façon : en se nourrissant à même les poubelles. François, étudiant en anthropologie à l’Université de Montréal, pratique, avec ses colocataires, le déchétarisme, plus communément connu sous le nom dumpster diving, depuis un an : « Au départ, nous faisions simplement des collectes spontanées pour économiser un peu sur notre épicerie mais c’est vite devenu un mode de vie, une pratique communautaire pour contester tout ce gaspillage alimentaire », explique François.
En effet, au Canada, ce sont plus de 40% des aliments produits qui sont gaspillés à chaque année, l’équivalent de 27 milliards de dollars jetés à la poubelle selon une récente étude de 2011 de la Value Chain Management Center.
François pratique le déchétarisme quatre fois par semaine : « Ça demande beaucoup d’organisation, il faut y aller souvent et être assidu pour que cela en vaille la peine », déclare-t-il. À la tombée du jour, ils se retrouvent et font la tournée de leurs endroits préférés.
« C’est beaucoup plus facile dans les petites épiceries et les boulangeries, leurs conteneurs sont faciles d’accès et c’est mieux toléré chez les propriétaires, certains s’arrangent même pour mettre dans des sacs à part les aliments encore propres à la consommation », raconte François. Les grandes épiceries, bannières, tolèrent peu la pratique et clôturent leurs conteneurs pour les rendre difficiles d’accès et ce, pour des raisons d’assurance.
La pratique du déchétarisme n’est toutefois pas illégale au Québec. En effet, la loi interdit seulement la récupération de biens et d’aliments dans les poubelles situées sur une propriété privée. Les déchets sont considérés du domaine public dès qu’ils atterrissent dans une poubelle extérieure.
Le déchétarisme vs l’épicerie
Le déchétarisme permet de lutter contre le gaspillage alimentaire mais est-ce suffisant pour en vivre, pour dire adieu à l’épicerie ? François est catégorique, même si lui et ses colocataires ont réussi à diminuer de 60% leur facture d’épicerie, elle demeure essentielle. « À deux, chaque quête nous rapporte l’équivalent d’environ 100$ d’épicerie. À la fin de la semaine, le 2/3 de notre nourriture provient du Dumpster Diving. Nous devons quand même compléter avec l’épicerie pour ce qui est principalement du lait, des céréales, des conserves et des produits spécifiques que nous n’avons pas trouvés dans les conteneurs », soutient François.
Au Québec, un supermarché jetterait en moyenne 800 kg de résidus alimentaires par semaine, mais ce chiffre pourrait atteindre les trois tonnes pour les plus grandes surfaces, pour une moyenne de près de 42 tonnes par année, par supermarché, selon AZN2, une firme spécialisée dans la gestion des matières résiduelles.
Éric, responsable de la page Facebook Montreal Dumpster Diving, confirme qu’il est impossible de vivre à 100% du déchétarisme : « On ne peut pas compter uniquement sur ce qu’on trouve dans les poubelles pour manger toute la semaine, on a besoin d’aller faire ses achats à l’épicerie comme tout le monde. » Le déchétarisme représente pour certains une façon d’améliorer son alimentation. « Je mange beaucoup plus de fruits et de légumes et à toutes les semaines je mange des fromages fins. Je ne me serais jamais permis d’acheter ces produits normalement à l’épicerie», confie François.
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La salubrité alimentaire compromise ?
La pratique du déchétarisme soulève plusieurs interrogations sur la salubrité des aliments trouvés à même les poubelles. « Il est risqué de consommer les aliments frais trouvés dans les conteneurs des épiceries car on ne sait pas la raison pour laquelle ils ont été jetés. Il se peut que les aliments aient déjà été exposés à des températures élevées, idéales pour la prolifération des bactéries », explique Bernard Lavallée, nutritionniste au Centre Extenso, centre de référence sur la nutrition de l’Université de Montréal. Il ajoute : « Certains aliments sont à éviter à tout prix comme la viande, le poisson, les oeufs et le lait tandis que le yogourt et les produits secs présentent peu de risques pour la santé. »
Monsieur Lavallée recommande de bien nettoyer les fruits et légumes avant la consommation et de toujours les faire cuire afin de diminuer les risques d’intoxication alimentaire. Une opportunité pour cuisiner potages, confitures, compotes et sauces !
François relativise les choses, il n’a jamais été malade depuis qu’il a commencé le déchétarisme: « Je fais tout de même attention, j’évite les viandes et poissons frais qui sont trop à risques. » Près de la moitié des aliments présents dans les épiceries sont jetés pour des motifs marketing, pour faire de la place sur les tablettes, et non pas parce que leur date de péremption est échue. « Plusieurs aliments trouvés ne sont même pas périmés. J’ai trouvé la semaine dernière un emballage de 80 boîtes de Kraft Dinner dont la date de péremption était seulement en avril 2014 », raconte François.
Le déchétarisme fait de plus en plus d’adeptes à travers le globe. Le mouvement reste toutefois marginal à Montréal puisqu’à l’exception de quelques groupes Facebook et d’une carte interactive des meilleurs endroits où pratiquer le déchétarisme, il y a peu d’initiatives de regroupement. Le mouvement est centré sur le bouche à oreille. Éric résume ainsi le déchétarisme : « Ce n’est pas un mouvement ni une association, c’est plutôt un style de vie, une façon de penser et de faire. C’est une pratique accessible à quiconque souhaite dénoncer le gaspillage alimentaire et notre société de consommation et ce, peu importe le revenu. »
Crédit photo 1 : Sascha Kohlmann/CC
Credit photo 2 : Foerster/CC