L’explosion du journalisme, d’Ignacio Ramonet

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Photo : Éloïse Ouellet-Décoste.


 

La presse écrite survivra-t-elle à la crise engendrée par l’émergence d’Internet et des réseaux sociaux? Oui, croit Ignacio Ramonet, mais les médias traditionnels n’en sortiront pas tous indemnes. Son dernier ouvrage propose une réflexion critique sur les causes et les conséquences de la mutation de l’écosystème journalistique. Bien ficelé, L’Explosion du journalisme parvient, avec brio et en peu de mots, à situer cette transformation dans la réalité du XXI siècle.

Ramonet présente sa prémisse : bien plus que l’essor d’une nouvelle technologie, l’apparition d’Internet provoque une transformation radicale du paysage médiatique et impose un nouveau paradigme qui redéfinit les pratiques journalistiques. L’information ne circule plus de façon statique et unidirectionnelle, par unités formatées. Une logique circulaire et fluide s’impose, chamboulant le monopole des médias traditionnels et des journalistes professionnels sur l’information et les débats.

La force de ce livre est qu’il ne se contente pas de pointer du doigt la révolution numérique, il démontre en quoi la réaction des médias traditionnels à ce changement d’écosystème est aussi à blâmer. L’auteur explique de façon claire et concise comment les journaux réagissent à l’effondrement simultané de leur diffusion et de leurs revenus publicitaires. Pour survivre, ils n’hésitent pas à couper dans leurs effectifs et leurs dépenses par l’entremise de licenciements massifs et de diminution des conditions de travail. Du même coup, les correspondants internationaux sont rapatriés et le journalisme d’enquête est grossièrement négligé. C’est la qualité de l’information qui écope de ces compressions et, ultimement, c’est la fonction de « quatrième pouvoir » du journalisme qui s’effrite.

Explorant au-delà des mesures strictement économiques prises par les journaux, Ramonet présente, à coup d’exemples saisissants, en quoi cette recherche de la rentabilité transforme les pratiques journalistiques et érode la crédibilité des médias. En réaction à la perte de leurs privilèges de caste causée par la montée du journalisme-citoyen, les médias traditionnels s’allient aux pouvoirs dominants dans l’espoir de survivre à la crise. Graduellement, l’émergence des grands empires médiatiques néolibéraux vide la notion de contre-pouvoir de son sens. Les citoyens se méfient de plus en plus des médias, alors que ceux-ci étaient autrefois vus comme des protecteurs de la démocratie!

Bref, le journalisme vit une crise identitaire et cette crise menace, à la fois, la survie des médias traditionnels et la qualité du travail journalistique. Toutefois, malgré ce constat effrayant, Ramonet n’est pas fataliste quant à l’avenir du journalisme. Au contraire, l’auteur suggère que cette crise est nécessaire dans la mesure où elle crée un phénomène de sélection naturelle. Certains disparaîtront, laissant la place à ceux qui auront su s’adapter au nouvel écosystème. Ce processus permettra au journalisme d’entreprendre la régénération dont il a tant besoin et de s’émanciper des tendances médiatiques actuelles, soit l’urgence, la brièveté, la simplicité et la frivolité.

Court, mais bien étayé, L’Explosion du journalisme est, en quelque sorte, un plaidoyer pour un « slow journalism », c’est-à-dire un journalisme refondu qui résiste au rythme accéléré de l’ère numérique en valorisant la qualité, la rigueur et l’approfondissement tout en prenant au sérieux le rôle fondamental de l’information dans une société démocratique.