Quand on y pense, un article journalistique, c’est exactement comme une première date : soit on l’aime, soit on ne l’aime pas. Mais bien souvent, après une première rencontre, on finit par être déçu ou ennuyé. Le défi, c’est donc d’arriver à séduire, dès la première minute, dès les premiers mots, d’entretenir l’engouement et l’intérêt, pour, finalement, réussir à conclure.
Pour y arriver, cela prend des techniques, un sujet pertinent et les bons mots. André Noël, journaliste de renom ayant longtemps œuvré à La Presse, a écrit un ouvrage, Le Style, Conseils pour écrire de façon claire et vivante, dans le but d’orienter les journalistes novices dans leur pratique écrite. Il a vite fait de constater que son livre pouvait être utile à quiconque utilise les mots et l’écriture pour gagner sa vie.
En fait, André Noël devient, l’espace d’un ouvrage, un styliste, styliste de la langue française écrite. Tout comme Jean Airoldi, il attribue des contraventions de style. Mais ces contraventions, elles s’adressent à différents journalistes qui ont usé des mots d’une façon exhaustive ou incohérente dans divers articles ou papiers. À l’inverse, il souligne également les bons coups d’autres journalistes.
Petit guide du journaliste
Ce petit guide est divisé en huit sections distinctes, traitant de la structure d’un texte au choix des mots, de la méthode d’entrevue à l’importance d’un bon lead (amorce d’un texte, dans le jargon journalistique). L’auteur aurait toutefois pu s’en tenir à sept sections, en éliminant la dernière : le résumé. Il s’agit d’un retour sur ce qui a été vu dans les pages précédentes. Certains exemples sont repris intégralement, ce qui alourdit le texte.
Noël conseille ses lecteurs en leur suggérant quelques règles de base liées au journalisme. Pour ce faire, il utilise des exemples éclairants et imagés, bien que quelques fois un peu redondants. Ces exemples servent d’images aux commentaires de l’auteur qui nous met joliment en contexte.
Il faut savoir que la première version de l’ouvrage Le Style a été publiée en 2005 et revue et corrigée en 2009. Ainsi, même si les exemples appuient bien les propos de l’auteur, certains d’entre eux ne sont pas au goût du jour. Il aurait été intéressant, cinq ans plus tard, d’avoir des exemples plus actuels.
«Faites ce que je dis et ce que je fais»
Il n’en reste pas moins que l’ouvrage d’André Noël est accessible à tous, spécialement aux journalistes novices.
L’auteur a rapidement proscrit le célèbre adage « Faites ce que je dis, pas ce que je fais ». Au contraire, tous les conseils et toutes les recommandations fournis dans son livre sont mis en pratique par l’auteur lui-même.
Noël est tout à fait cohérent, à quelques exceptions près.
Par souci d’être près de son public, l’auteur se laisse parfois emporter. Il suggère aux journalistes d’éviter les clichés ou les métaphores prévisibles, alors que lui-même compare les features aux « épagneuls dans une partie de chasse ». Il conseille d’utiliser un vocabulaire précis, juste. Et quelques pages plus tard, on lit : « truc trivial », en parlant de ces rédacteurs qui s’adressent « au lecteur à la deuxième personne ». Mais y a-t-il un mot moins précis que truc? Chose, patente, machin?
Lecture dynamique et pédagogique
Hormis ces petites maladresses qu’on pourrait reprocher à l’auteur, l’ouvrage demeure bien conçu et très pertinent. D’ailleurs, il est parsemé d’humour, parfois un peu cinglant, d’autres fois plus léger. Cela rend le texte de Noël plus dynamique. Il ne s’agit pas d’un manuel où la théorie nous assaille. Plus les phrases défilent, plus on en apprend sur le style, le choix des mots, les rudiments du journalisme sans avoir l’impression d’assister à un pénible exposé.
Ce petit ouvrage devient un manuel de référence qu’il est facile de consulter en cas de doute; d’autant plus que l’aspect graphique du livre permet de s’y retrouver facilement avec la présence de tableaux, d’exemples en retrait, de listes, de sous-titres et de puces à numéro.
Noël, par son style d’écriture, arrive à toucher son public. Il écrit d’une façon simple et efficace. Il utilise de nombreux parallèles qui facilitent la compréhension des lecteurs, bien qu’il fasse trop souvent des comparaisons grossières à la nourriture : « sa richesse lève le cœur comme un milk-shake à base de crème fraîche » ou encore « Le résultat, en tout cas, a aussi bon goût que des frites ’’poutinisées’’ ». À croire qu’il n’avait pas déjeuné avant d’écrire son livre!
Écrire pour être compris
Somme toute, ce petit ouvrage est complet et concret. Il permet réellement d’en apprendre plus sur le style à l’écrit. Il met de l’avant les beautés de la langue française, en proposant d’éviter les tournures de phrases à cent piastres et les fioritures inutiles. L’auteur propose d’écrire simplement, avec les bons mots. D’écrire pour être compris. Sans futilité.
Il est donc évident, ici, que Noël a réussi sa première impression. On se laisse facilement porter par ses mots, et ce, même si son ouvrage a un caractère didactique. L’auteur a bien choisi ses propos, il les a dûment organisés, il a fait preuve d’humour et d’humilité en citant quelques-unes de ses propres faiblesses. Et le plus beau dans tout cela, c’est que Noël nous apprend à en faire de même. Il joue les entremetteurs. Il enseigne à ses lecteurs à séduire leurs futurs lecteurs. À faire bonne figure. À intéresser. À charmer. Pour, finalement, arriver à conclure.
Photo : Michaël Monnier. André Noël, journaliste d'enquête et enquêteur à la commission Charbonneau.