« Ça a toujours été mon plan, que le jour où je serais père, j’allais prendre un long congé. »
Et Mathéo a eu neuf mois. Philippe prend le relais de sa blonde.
Deux fois par jour, il s’entraîne avec fiston pour un Ironman, le plus intense des triathlons.
« C’était ma façon de garder l’équilibre, de ne pas juste être un père à la maison. »
« Je me souviens de ma première journée. J’reviens de courir, pis là je réalise que son dîner n’est pas prêt.
J’ai pas pris de douche, j’ai faim… OK, ça marche pas là! Va falloir que je m’adapte.
Ça m’a pris une semaine, me roder comme du monde. »
« J’dirais qu’le soir, j’allais un petit peu plus sur Facebook que normalement.
C’est un peu l’image que j’avais : que tu te sens out de la société.
Mais non, c’est quand même quelque chose, le développement de ton enfant, la psychologie qui va avec…
J’me stimulais avec ça. »
« Un soir où ma blonde travaillait, j’avais un party post-Ironman.
Finalement, j’suis allé avec mon bébé d’un an, sur une terrasse à Griffintown.
J’voulais pas m’prendre une gardienne. Maintenant, Mathéo est habitué avec le monde. »
« Les gars te font moins de commentaires, mais ils vont t’en passer après, quand y’a pas de témoins.
Des fois de l’envie. J’ai senti de l’entraide, beaucoup de curiosité. »
Et les mois passent. « J’avais entendu que les mères, à la première journée de garderie… ça braille.
J’me disais come on! Pis la première journée que j’suis allé le mener,
j’suis revenu en vélo les larmes aux yeux. J’ai trouvé ça super difficile.
Quasiment plus que ma blonde, parce que je venais de passer cinq mois avec Mathéo. »
Puis, le retour au travail… Philippe avait délégué, mais la planète a continué à tourner.
« J’ai senti c’que les femmes doivent vivre quand elles partent un an. Le retour a été tough. »
Il avait perdu sa place.
« J’me suis fait un plan de match, j’ai tourné mon énergie vers ma famille, vers mon marathon. »
Quelques mois après, il a retrouvé ce qu’il avait perdu.
Dans une autre organisation, qui respecte ses valeurs.
Philippe avait toujours voulu prendre un long congé pour accueillir Mathéo. Il n’a aucun regret.
« J’pense pas qu’il faut que le congé soit imposé par ta blonde.
J’pense qu’il faut que tu sois prêt à t’investir.
J’trouve ça un peu plate de dire que c’est pas fait pour tout le monde, mais c’est quand même c’que j’pense.
Ça prend une patience, que t’aimes ça, que tu sois bien.
Que des fois, t’acceptes que ce soit lui qui contrôle les affaires. »
« Mais je m’attendais à rusher plus.
Y’en a qui ont écrit dans ma carte de départ de la job : bonne chance avec les couches…
C’est toujours l’image que la société te renvoie. J’lisais les mêmes affaires que ma blonde…
Que si t’es plus capable, tu fermes la porte d’la chambre du bébé pis tu sors cinq minutes.
J’ai jamais été même sur le bord. »
« Quand t’es avec chaque jour, tu vois vraiment les petits changements dans son attitude,
dans ses comportements. Pis j’pense que lui aussi, il apprend à être avec moi. »