Photo : Michaël Monnier. Edwy Plenel invité d'honneur au Congrès 2014 de la FPJQ.
Au fond d’une salle comble, Edwy Plenel regardait la foule du haut de la scène. Des journalistes, des étudiants, rassemblés pour écouter l’invité d’honneur du congrès annuel de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). Tous ont eu droit à un plaidoyer pour l’information libre. Pour la défense du journalisme comme rouage de la démocratie. Devant lui, quelques notes sur un calepin du Manoir Saint-Sauveur. Et pourtant, il parle si juste qu’on jurerait entendre un discours méticuleusement rédigé.
C’est qu’il connaît intimement la bataille : il éclabousse le spectre politique et ses pôles depuis plus de 30 ans. Après 25 années au journal Le Monde, dont une décennie à la direction de la rédaction, il fut au cœur de la lutte pour empêcher la mutation du journal indépendant en groupe de presse.
Il quitte en 2005, investissant ses économies pour cofonder Médiapart, un journal en ligne indépendant. Le site fait sa réputation avec un journalisme d’enquête suivant la trace de l’argent. Les révélations sur l’affaire Cahuzac et la publication des enregistrements clandestins du majordome de Liliane Bettancourt montrent un média frappant à gauche comme à droite.
Ce journalisme qui ose déranger est au cœur du combat d’Edwy Plenel. Il croit à la démocratie comme délibération permanente. Celle qui refuse les oligarchies. Celle où chacun a le droit de s’en mêler.
« Or, comment m’en mêler si je ne sais pas? », lance-t-il.
C’est là toute l’importance du journalisme de faits. Éclairer les informations essentielles à la compréhension du citoyen. Loin d’une logique d’intérêts particuliers. Loin d’une logique d’influence.
Pour lui, « tout ce qui est d’intérêt public doit être public. »
Il écorche au passage la conversion des médias au divertissement et l’avalanche des opinions qui emportent les informations factuelles. « Désormais, tout le monde a conquis le droit d’exprimer ses opinions et c’est très bien. (…) Ça appartient à tout le monde, la liberté d’expression. Mais notre compétence première, c’est de produire des vérités. »
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Photo : Michaël Monnier. Edwy Plenel, journaliste français cofondateur de Mediapart, et Anne-Marie Dussault, journaliste et animatrice à Radio-Canada
Edwy Plenel est convaincu qu’il y a un espace pour atteindre cet idéal journalistique. Il anticipe un nouvel âge d’or pour le métier. Une conversion à la modernité respectant cette tradition d’indépendance. Le bouleversement actuel des conditions de production et de diffusion donne à penser que ce nouveau monde peut encore se faire.
La rentabilité de Médiapart prouve qu’un lectorat veut payer pour une information originale, exclusive et travaillée. L’entreprise aborde le numérique comme lieu d’approfondissement. Avec des grands dossiers. En prenant le temps de s’asseoir chaque mois devant une caméra pour faire le suivi des enquêtes récentes. En alliant au journal un espace participatif pour créer une communauté de lecteurs.
Tout au long de la conférence, il précise que cela ne va pas de soi. Que les pouvoirs économiques et politiques saisissent la même conjoncture pour réduire l’indépendance. Il presse les journalistes de combattre ces contraintes en ralliant la population. Elle est au cœur de l’enjeu.
« La liberté de la presse n’est pas un privilège des journalistes, mais un droit des citoyens. » Edwy Plenel répète la phrase deux fois. En rappelant que la première loyauté du journaliste doit être envers le public.